© Valentin Urvois
Petit guide d’observation de la Lune
La Lune a souvent été boudée par les astronomes à cause de la gêne qu’elle occasionne pour l’observation du ciel profond. Mais elle n’en reste pas moins l’un des astres, si ce n’est l’astre, le plus spectaculaire à observer. Ainsi, nous vous proposons de vous guider dans vos soirées d’observation de la Lune.
Les indispensables à retenir avant toute observation de la Lune
Commençons par reprendre quelques bases. La Lune s’est formée peu de temps après la Terre, il y a environ 4,5 milliards d’années, à la suite d’une collision entre notre planète et un astre de la taille de Mars, nommé Théia. Il en a résulté un astre de 3500 km de diamètre, qui depuis ce temps, orbite autour de la Terre. Si, par le passé, elle était plus proche de nous, aujourd’hui elle s’éloigne d’environ 4 cm par an.
La distance nous séparant de l’astre sélène est ainsi, en moyenne, de 384 000 km. Celle-ci boucle une orbite autour de la Terre en un peu plus de 27 jours.
Les journées lunaires durant également 27 jours, nous voyons depuis la Terre toujours la même face de la Lune, qu’on nomme face visible. Tandis que la fameuse face cachée nous est inaccessible…
Contrairement à ce que l’on peut croire, nous voyons non pas 50% de la surface lunaire, mais 59%. Ceci grâce à un petit mouvement d’oscillation nommé la libration.
Tout au long de son histoire, la Lune a été bombardée d’astéroïdes, de tailles variables. Ne possédant pas d’atmosphère, les vestiges de ses impacts sont toujours visibles aujourd’hui et constituent des cibles de choix pour les observateurs.
Le fait que la Lune orbite autour de la Terre est également à l’origine des phases lunaires, qui nous permettent d’observer chaque jour la Lune sous un éclairage différent, et redécouvrir les formations géologiques à chaque observation.
Le cycle lunaire (la lunaison) comprend quatre phases principales, espacées chacune d’une semaine
- La nouvelle Lune, période où la Lune est entre nous et le Soleil, et donc invisible depuis la Terre. C’est durant cette phase que se produisent les spectaculaires éclipses solaires ;
- Le premier quartier, correspondant à une « demi-Lune ». La Lune est visible pour moitié l’après-midi, et pour moitié le début de nuit. C’est un des meilleurs moments pour l’observer ;
- La pleine Lune, qui se produit lorsque la Terre est entre le Soleil et la Lune. C’est à ce moment que peuvent se produire les éclipses lunaires ;
- Le dernier quartier, où la Lune est visible en deuxième partie de nuit et durant la matinée.
© Original work : Orion 8 - French translation : Charlestpt, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons
Comment réunir les meilleures conditions à l’observation de la Lune ?
L’observation lunaire, pour être réalisée dans les meilleures conditions possibles, suit les mêmes règles que les autres types d’observation. Il est préférable d’observer lorsque la Lune est bien haute dans le ciel, c’est à ce moment que les perturbations atmosphériques seront les moins gênantes. Un fin voile nuageux, quant à lui, n’est pas trop préjudiciable, étant donné que l’éclat de la Lune est relativement fort. Il faut observer depuis l’extérieur (oubliez l’observation au travers d’une fenêtre depuis la maison) et sortir son instrument une heure en avance, afin qu’il puisse se mettre en température. Un instrument bien réglé est également un point primordial, sinon les images seront floues lorsque l’on tentera d’augmenter le grossissement.
Concernant ce dernier, il est illusoire de chercher à grossir toujours plus. Chaque télescope possède une capacité à percevoir les fins détails, qui dépend de son diamètre. Il existe un grossissement qui permet d’apercevoir tous les détails que le télescope est en théorie capable de montrer. Moins grossie, on passe à côté de certains détails, et plus grossie, l’image est simplement plus zoomée sans montrer, pour autant, plus de détails. Si les conditions atmosphériques ne sont pas bonnes, on grossira alors une image floue. Ce qui, au final, dégradera l’observation.
On considère que ce grossissement résolvant (qui permet à un œil normal de distinguer tous les plus fins détails fournis par l’objectif), s’obtient en utilisant un oculaire dont la focale en mm vaut le rapport F/D de l’instrument. Par exemple, un télescope de 200 mm d’ouverture et 1200 mm de focale aura besoin d’un oculaire de 6 mm pour atteindre son grossissement résolvant.
Gardez à l’esprit que ce ne sont que des principes généraux, à adapter au cas par cas.
Pour avoir un ordre de grandeur en tête, un télescope de 200 mm est capable, en théorie, de distinguer un cratère d’1,2 km sur la Lune. Pas mal pour un trou situé à presque 400 000 km d’ici !
De manière générale, un bon point de départ pour l’observation lunaire est d’aller se balader le long du terminateur, qui marque la jonction entre la partie jour et la partie nuit de la Lune. Là-bas, comme ici, en fin ou début de journée, le Soleil est bas sur l’horizon et les ombres sont très allongées. Vu depuis la Terre, le relief apparait alors nettement. On est tout de suite en mesure de savoir si l’on regarde un gigantesque cratère, ou bien, une montagne de plusieurs kilomètres de haut.
Dernier point, l’observation de la Lune ne présente aucun danger, mais sa luminosité peut parfois la rendre inconfortable à observer. N’hésitez pas à investir dans un filtre lunaire, ou à vous équiper… de vos lunettes de soleil.
Quelles observations la Lune a à nous offrir ?
Passons maintenant rapidement en revue les observations à faire. On s’attardera plutôt sur la première partie de la lunaison, lorsque la Lune est visible en première partie de nuit. Mais, gardez à l’esprit, que toute la deuxième partie de lunaison est très intéressante également, puisqu’elle nous permet de voir les mêmes reliefs, mais sous un nouvel éclairage. Voyons donc ensemble ce qu’il est intéressant d’observer en fonction des différentes phases de la Lune.
- Le premier croissant
L’exercice numéro un est de repérer le fin croissant lunaire dans les jours suivant la nouvelle Lune. C’est une bonne période pour observer la lumière cendrée, l’équivalent du clair de Lune mais… sur la Lune.
La Lune n’est pas aisément observable en tout début de lunaison car elle se couche très rapidement après le Soleil, mais on peut déjà faire de belles observations aux alentours du 5ème jour.
C’est, par exemple, une très bonne occasion d’observer la mer des Crises. C’est une grande tache sombre, comme on en trouve plusieurs sur la Lune, la plus connue étant probablement la mer de la Tranquillité, où se sont posés les premiers Hommes. Les mers sont d’anciens gigantesques bassins de lave qui se sont refroidis et ont pris cette couleur plus foncée. Elles ont la particularité d’être très lisses, car la lave est plus récente, ce qui crée un magnifique contraste avec tous les reliefs autour d’elles.
La mer des Crises est entourée de remparts (sortes de falaises) qui mesurent entre 2 et 3 km de haut, et qui sont aisés à observer à cette période. Elle présente aussi des sortes de « grandes rides » qui la parcourent.
Plus vers le pôle sud lunaire, vous rencontrerez deux gros cratères, Langrenus et Furner. Ils mesurent tout deux environ 130 km. En les observant attentivement, vous pourrez remarquer une différence entre les deux. Effectivement, Langrenus possède une petite montagne au centre, appelée piton central, qui se forme lors de certains impacts.
Stellarium
- Entre le premier croissant et le premier quartier
Si vous observez entre le premier croissant et le premier quartier, votre regard sera attiré par une série de trois cratères enchevêtrés : Théophile, Cyrille et Catherine. Au premier coup d’œil, vous pourrez deviner que Théophile est plus jeune que Cyrille. En effet, on remarque que son cratère recouvre en partie Cyrille, preuve que l’astéroïde l’ayant formé est arrivé quand Cyrille était déjà présent.
Ces trois cratères ne sont plus éclairés au moment du premier quartier, mais vous pourrez aisément les retrouver.
La première chose que vous noterez probablement est l’apparition de trois nouvelles mers, dont une bien connue. D’ouest en est, on trouve ainsi la mer de la Fécondité, celle de la Tranquillité et enfin la mer de la Sérénité.
Aux alentours de cette époque, vous pouvez chercher, si le timing correspond, une petite curiosité, le X lunaire. Semblant surgir dans l’obscurité, l’antépénultième lettre de l’alphabet se dresse dans l’oculaire. Il s’agit en réalité, tout simplement, du sommet de certains cratères qui est déjà éclairé par le Soleil. Alors que les parties plus basses sont, quant à elles, encore dans l’ombre. Ce phénomène n’est visible que pendant quelques heures. Il permet d’illustrer la vitesse à laquelle les ombres se déplacent, chose que vous aurez peut-être remarqué. En effet, si vos observations s’étalent un peu dans le temps, et que vous prenez une photo de vos deux observations et les comparez ensuite, vous pourrez noter de légères différences d’éclairage. C’est tout simplement dû au fait que la Lune est en orbite autour de la Terre, et qu’elle s’est déplacée le temps de votre soirée.
Stellarium
- La phase gibbeuse
Il s’agit de la période entre le quartier et la pleine Lune. C’est la période où l’on peut voir le relief de l’un des cratères les plus connus, non pas tant par sa taille, mais plutôt par les traces que l’impact a laissé tout autour. Si vous avez déjà observé la pleine Lune, vous avez peut-être vu des sortes de grandes trainées blanchâtres qui s’étalent sur une gigantesque mer (en réalité l’océan des Tempêtes). Plusieurs cratères en affichent de bien visibles, mais les plus célèbres, les éjectas (c’est le nom de ces grandes traînées blanches de sol lunaire projetées lors de l’impact, qui s’étendent sur des centaines, voire, milliers de kilomètres) proviennent du cratère Tycho. Ce cratère d’environ 80 km de diamètre est très récent, puisqu’il daterait d’il y a environ 100 millions d’années. Ses parois sont plus hautes que le Mont Blanc et s’élèvent jusqu’à 4700 m d’altitude ! C’est donc le moment idéal pour l’observer.
Si d’ailleurs vous cherchez le Mont Blanc, sachez que vous le trouverez plutôt vers le nord de la Lune. En effet, certains reliefs ont été nommés d’après les chaînes de montagnes terrestres. On y retrouve ainsi le Mont Blanc dans les Alpes !
Non loin de lui, se trouve une formation très jolie à observer, inspirant plus de calme que les cratères précédents : le Golfe des Iris. Il s’agit d’un impact qui a frappé le bord de la mer des Pluies, créant un « demi » cratère qui s’est ensuite rempli de lave.
Stellarium
- La pleine Lune
Contrairement à une croyance populaire, ce n’est pas la période la plus propice à l’observation, puisqu’il n’y a quasiment plus de reliefs visibles grâce aux jeux de lumière. Cela peut, par contre, être l’occasion d’essayer de retrouver certaines des zones observées avant. Enfin, c’est surtout le moment idéal pour recenser toutes les mers lunaires !
Stellarium
Vous voilà maintenant paré pour entreprendre vos premières observations lunaires. Mais avant ce tête-à-tête avec la Lune, nous vous rappelons quelques conseils pour préparer au mieux votre soirée d’observation. Sachez également que vous pouvez trouver des cartes de la Lune, voire des ouvrages traitant uniquement de ce sujet. La Lune est un vaste monde, et l’explorer prend des années, mais commençons déjà par quelques nuits…