Comment renouveler ses conférences ?
Dans le cadre de sa mission de co-animateur du réseau Science(s) en Occitanie, Instant Science a co-organisé avec Carrefour des Sciences et des Arts, le 6 juillet dernier, un webinaire pour discuter et questionner la pratique de la conférence.
Comment renouveler ses conférences ? C’est le sujet de la 8e édition des MIAMS.
Les Midis Inter Acteurs-Actrices de la Médiation Scientifique (MIAMS), sont les rendez-vous en ligne du réseau Science(s) en Occitanie. Le principe : échanger, partager, le temps d’une pause déjeuner et en toute convivialité, des expériences, bonnes pratiques et nouvelles idées pour renouveler ses actions de culture scientifique.
La conférence et son public
Tout d’abord, posons le cadre. Une conférence est généralement construite autour d’une ou plusieurs interventions sur un sujet donné. Le conférencier s’adresse à une assemblée entre 30 minutes et 2 heures.
Malgré le petit temps d’échanges à la toute fin, ce sont souvent les mêmes personnes qui posent des questions au conférencier. Le public est plutôt dans une posture passive, en écoute. Une conférence n’est donc pas forcément synonyme d’échanges, c’est un format descendant. Ce qui n’est pas nécessairement une mauvaise chose : bon nombre de personnes apprécient être dans une posture de simple écoute.
Cependant mobiliser le grand public sur des sujets scientifiques à travers des formats classiques, comme la conférence, est de plus en plus difficile. Depuis plusieurs années, les différents acteurs du milieu de la culture scientifique ont pu constater une baisse de la fréquentation de leurs conférences.
Partant de ce constat, quelles sont les bonnes pratiques ? Comment choisir l’intervenant et l’accompagner en tant qu’organisateur ? Comment imaginer de nouveaux formats de conférence ? Existe-t-il des pratiques originales ou des formats plus mobilisateurs ? Quelles postures peut adopter l’intervenant ? Comment capter l’attention dès l’introduction du public sans le bousculer ?
Tania Louis, docteure en biologie, médiatrice scientifique et conceptrice de contenus pédagogiques et John Bandelier, directeur de l’association Kimiyo et co-animateur du réseau Science(s) en Occitanie ont pu nous faire part de leurs expériences.
Un brise-glace pour évaluer nos objectifs
Avant de rentrer dans le vif du sujet, les participants ont pu répondre à la question « Quel est votre objectif quand vous organisez une conférence ? » à l’aide de l’application Wooclap et de son outil « nuage de mots ». Chacun devait choisir un mot qui lui venait à l’esprit, l’écrire, puis il s’affichait à l’écran pour les autres. Il était ensuite possible de voter pour un ou plusieurs mots en complément de sa réponse.
Échanger, éveiller la curiosité, partager les savoirs, découvrir, ou encore convivialité… L’objectif est avant tout que les participants passent un bon moment, et ce, dans l’échange. Mais est-ce que c’est toujours le cas lorsque l’on propose une conférence ?
Qu’est-ce qu’une conférence réussie ?
Selon Tania Louis et John Bandelier, tout dépend des objectifs fixés lors de la préparation de la conférence. Néanmoins, on peut dire qu’elle est réussie dès l’instant que le public et l’intervenant ont passé un bon moment.
L’erreur à ne pas commettre est d’évaluer la qualité de la conférence en fonction du nombre de participants. Avoir peu de monde, c’est aussi avoir plus de place pour les échanges. En effet, en petit comité, le public se sent plus libre de poser des questions. Parfois, les personnes peuvent même interagir entre elles.
Choisir l’intervenant et l’accompagner
En fonction de la cible de la conférence, il faut bien préciser à l’intervenant dans quel contexte s’inscrit sa prise de parole et dans quelles conditions elle aura lieu. Comment sera configurée la salle, quel sera le matériel à disposition, etc. Il ne faut pas hésiter à donner le plus d’informations possibles afin qu’il se projette et puisse se préparer au mieux.
De plus, en fonction du public attendu et du format de la conférence, il faudra choisir l’orateur qui s’adapte le mieux aux personnes en face de lui. Pour ce faire, Tania Louis et John Bandelier conseillent de :
- passer par des personnes référentes qui connaissent bien l’intervenant,
- aller voir s’il existe des vidéos de l’intervenant en situation de présentation,
- savoir, par exemple, s’il a participé à des événements comme Pint of science, Ma thèse en 180 secondes, ou bien des ateliers de médiation scientifique.
Une fois l’intervenant choisi, l’organisation de la conférence peut démarrer. Il vaut mieux discuter au téléphone ou en visioconférence directement, plutôt que par mail. Le contact sera facilité et le modérateur, qui est souvent l’organisateur de la conférence, saura comment l’intervenant s’exprime à l’oral et pourra plus facilement anticiper sa modération le jour J.
A l’image de ce que fait l’Université de Toulouse avec les doctorants participants à la Nuit européenne des chercheurs, il est possible de proposer des formations et des accompagnements en amont des interventions.
Capter l’attention dès l’introduction, sans bousculer le public
Prenons l’exemple de Julien Bobroff et sa balade dans la révolution quantique. Ici, l’orateur fait le choix d’introduire sa présentation de façon moins conventionnelle. Il utilise un nuage de photos toutes en lien avec son sujet. Nuage qu’il a préparé en amont. Il en sélectionne une au hasard pour ensuite parler de son domaine : la physique quantique. Cette introduction fait son petit effet, le public est capté dès le début malgré un sujet difficile à vulgariser.
Voici quelques conseils pour créer une dynamique spécifique dès le début de la conférence.
L’organisateur peut :
- disposer la salle autrement en fonction de la place, par exemple avec des sièges en cercle plutôt que face à l’intervenant,
- discuter avec le conférencier pour proposer un format original pour démarrer et capter plus facilement l’attention du public dès l’introduction.
Quant au conférencier, il peut :
- créer un premier lien avec la salle en se faisant appeler par son prénom,
- demander au public de choisir les sujets qu’il veut développer (dans une liste préparée à l’avance)
- utiliser un brise-glace comme on le fait régulièrement lors de journées professionnelles. Il est par exemple possible de poser une question et de faire voter le public à main levée en fermant les yeux, pour ne pas se faire influencer par les réponses des autres.
Des exemples d’outils et de formats originaux
Le diaporama conventionnel peut être un élément dans lequel s’enferme l’orateur. Pour éviter cela, il est possible par exemple de commencer sa conférence avec un objet insolite ou du quotidien, d’utiliser une ardoise, ou bien de projeter une seule image qui servira de fil rouge tout le long de la conférence. Il existe de nombreux outils et manières de se détacher du format classique de la conférence.
Par exemple, la méthode du Pecha Kucha. Elle s’appuie sur un diaporama de 20 diapositives, mais qui s’enchaînent toutes les 20 secondes. La présentation ne dure que 6 minutes et 40 secondes pour éventuellement se poursuivre par des échanges, ce qui force à la synthèse et au dynamisme.
Pourquoi ne pas proposer une conférence-dessert comme le fait l’association Carrefour des sciences et des arts avec son cycle de conférences La science au dessert ? Le conférencier et les participants préparent des desserts, qu’ils partagent tous ensemble à la fin de la conférence. Ce moment convivial et informel est idéal pour discuter avec le conférencier ou avec les autres participants.
La Cité des sciences et de l’industrie propose un format peu commun se nommant « Ma première conférence », une conférence pour les 6-8 ans. Elle dure 1 heure en tout et est ponctuée de quelques petites pauses. Les enfants peuvent relâcher leur attention pour ensuite se concentrer de nouveau sur le récit du conférencier.
La Nuit européenne des chercheur·e·s propose également de nombreux formats et rencontres originaux comme le « Speed-Searching » (à la manière d’un speed-dating), « Les flash conf’ mystères » s’appuyant sur un objet ou une image mystère à trouver, la conférence « Dans le noir » ou encore la « Playlist de chercheur·e ».
L’Eurêkafé, le café scientifique situé à Toulouse, a accueilli plusieurs conférences de la série « Désenchantés », imaginée par Anne-Cécile Dagaeff et Agatha Liévin-Bazin. Elles s’appuient sur des dessins animés populaires pour parler de sciences en mobilisant des souvenirs d’enfance, avant un buffet thématique en lien avec le long métrage du jour.
Eléonore Bellot a également présenté « Les conférences dont vous êtes le héros ! » du Collectif Conscience, au cours desquelles les choix collectifs des participants font avancer le fil rouge narratif de la conférence, suivant des astronautes à la recherche d’une planète d’accueil.
Il existe de nombreux autres formats. Voici quelques exemples complémentaires :
- la promenade conférence, comme les balades archéologiques de Grottes&Archéologie,
- les « Curieuse visites curieuses » des visites guidées entre histoire et sciences,
- la conférence théâtralisée : le conférencier mène sa présentation en s’appuyant sur des scénettes jouées par des comédiens,
- la conférence gesticulée : un spectacle militant, et parfois politique, qui mêle le théâtre et la conférence.
À la reconquête du public
Faut-il forcément changer drastiquement le format de la conférence ? Si l’objectif est d’attirer plus de monde et de varier les publics, il est important de ne pas oublier le public qui aime le format classique. Lui proposer un format de conférence original sans trop le bousculer est donc essentiel.
Par ailleurs, Tania Louis et John Bandelier mettent en garde sur le fait que proposer une conférence moins classique, c’est aussi une organisation plus lourde et chronophage. Ainsi, sortir du format conférence ne doit pas être une injonction contre-productive.
Il faut aussi communiquer clairement pour que le public ne soit pas déçu. De leur point de vue, le sujet de la conférence passe avant le format. Il est avant tout attiré par une thématique, plus que par un format original.
Les 3 conseils à retenir pour l’organisateur de conférences :
- Favoriser la transparence avec le conférencier en échangeant au préalable de vive voix : être le plus précis possible sur vos conditions d’accueil pour qu’il sache à quoi s’attendre, se sente bien attendu, et que vous puissiez garantir son confort lors de l’intervention.
- Identifier vos objectifs pour identifier le format le plus pertinent à proposer à votre public.
- Adapter le format à l’énergie et au temps qu’il est possible d’y mettre ! Tout est une question d’équilibre entre ses ambitions et ses moyens.