Depuis septembre 2016, Alexandre, service civique en mission scénographie-design s’affaire à une lourde tâche, ô combien capitale : la conception de la scénographie de notre nouvelle exposition “Inventez la ville…dont vous êtes les héros! “. Tout juste inaugurée, il est temps de vous en raconter sa scéno-story !

Ça y est, c’est fini. Enfin. Sept mois de travail et enfin le résultat.

Lundi 6 février 2017, sous le tintement des verres à pied et des discours, débute la première grande exposition du Quai de Savoirs réalisée par nos soins. Et au moment où tout commence, le travail s’arrête pour moi.

Je ne peux plus rien faire. Sinon espérer que cela plaise. Que les visiteurs s’immergent volontiers dans l’univers qu’on leur offre. Qu’ils comprennent, sans presque s’en rendre compte, ce qu’ils vont voir. Qu’ils se sentent chez eux dans cet espace qui veut les dérouter. Car c’est cela une scénographie : un écrin délicat qui vient magnifier une pierre précieuse.

La scénographie, c’est un long chemin. Et très souvent, il ne se fait pas seul. Et pour faire une exposition sur la ville et les super-héros, il fallait bien entendu une ligue de super-scénos ! Pour cela, je présente Lorène Cléricy – alias La Torche – aux idées flamboyantes, Audrey Renaud – dites Flash – qui modélise les projets plus vite que la lumière et Bernard Cléricy que certains osent appeler La Chose, mais ce n’est que pour souligner l’épaisseur de ses propositions.  En ce qui me concerne, je vous laisse choisir quel super-héros j’aurais pu incarner pour cette mission. Mais sachez que porter un slip rouge sur un collant bleu ne me semble pas du tout ridicule…

La scénographie, un éternel recommencement

Nous nous sommes réunis pour la première fois fin juillet et très vite, il a fallu passer aux choses sérieuses. Il faut savoir que le design fait partie de ce qu’on appelle les “sciences molles”. C’est-à-dire que, comme les chercheurs de la NASA, les designers sont riches de connaissances solides, de théorèmes et d’outils précis. Mais dans la réalité, cela ne forme que la page blanche que l’on doit remplir. Et que d’ailleurs, il se peut bien que l’on ait pas envie que cette page soit blanche, ni même qu’elle soit en papier, mais plutôt en bois, avec des bords en plastique, qui doit résister au feu, molle comme de la mousse et brillante comme de l’alu… Bref le champ des possibles n’a de limite que notre imagination.

Pour cadrer le projet, on commence par établir un premier cahier des charges. Nous définissons avec les chefs de projet, Julie et Johan, le thème de l’exposition, les différents espaces et la typologie des futurs usagers de l’exposition. Il s’agit, dans les faits, de créer un espace divisé en plusieurs pôles cohérents qui reflètent à la fois une ambiance urbaine et de super-héros. De nombreux aspects de la ville doivent y être présents, notamment la notion de “construction”. Le sous-titre de l’exposition “la ville… dont vous êtes les héros” signifie que les visiteurs doivent avoir le sentiment d’avoir un impact sur leur environnement. La scénographie a pour but de les accompagner dans ce sentiment.

Une fois le cahier des charges terminé, les séances de création s’enchaînent. La ligue de super-scénographes réunie, les idées fusent. On imagine, on modélise, on détruit, on recommence, on met de côté, on refait, on abandonne, on respire, on recommence, on dessine, ça nous plait, on s’emballe, on exulte, on laisse tomber, on recommence, on se masse un peu les épaules, on crobarde, on échange, on modifie, on améliore, on jette à la poubelle, on recommence…

Et on recommence de recommencer, jusqu’à ce que l’on soit satisfait de notre travail pour pouvoir le présenter fièrement à nos chers chefs de projet… Qu’ils le refusent en partie… Je m’arrête ici quelques secondes pour vous parler d’une des qualités fondamentales du métier de designer : la résilience. La résilience est un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l’événement traumatique pour ne plus, ou ne pas, avoir à vivre dans la dépression et se reconstruire.”  – Wikipedia
Pratiquer le métier de designer sans aucune résilience peut mener à des situations psychologiquement très compliquées, voire dramatiques.

Plus sérieusement, le travail de création exige un gros effort d’échanges et de compréhension mutuelle. Interpréter les mots, voire les sentiments, des décideurs est une des tâches les plus difficiles du métier. D’autant plus que Julie est Bretonne, et que je ne suis pas bilingue… Cela prend la forme de nombreux allers-retours où l’on doit réajuster les souhaits et les exigences de chacun.


De l’étape de planification au montage

Le projet s’affine donc petit à petit. Un échafaudage de 10 mètres de haut par ici, un gridshell en bois par là, une agora, des fleurs suspendues… Les éléments se figent enfin sur le plan de l’exposition. L’heure des devis est arrivée. Il faut choisir les sous-traitants… et aussi savoir si le projet est financièrement réalisable. Les mails envoyés, les rendez-vous s’ensuivent. Les négociations sont âpres avec les artisans et les professionnels de l’événementiel, mais les devis finissent par être signés.

On planifie donc le montage de l’exposition pour que personne ne se marche dessus. Audrey réalise le plan électrique pour que des prises arrivent au bon endroit dans l’expo. Bernard se concentre sur l’éclairage. Lorène fabrique ses fleurs en papier, tandis que moi, je gère l’accueil et l’installation de tous les éléments sur le chantier. À ce moment-là, arrive un nouveau personnage : William Lamary, professionnel de l’événementiel. Capable de poser ce que l’on veut : mobilier, toile, lino. Je ne connais aucun super-héros capable de faire tout ça !

De jour comme de nuit, semaines et weekends confondus, toutes les équipes s’affairent. Jean-Marc, notre régisseur et Jean-Baptiste notre menuisier viennent à la rescousse. Julie n’est jamais très loin. Arrivent ensuite Richard et Audrey (pas Flash, Audrey Bardon, notre chère chargée de communication qui m’a demandé d’écrire ce bulletin que je rends avec un mois de retard – désolé). Puis c’est finalement l’équipe entière de Science Animation qui participe à l’intégration des tablettes dans le mobilier, à la pose de stickers, à la peinture. Quand je vous disais qu’une scénographie ne se fait jamais seul !

L’exposition s’érige sous nos yeux telle une ville nouvelle. Un dernier petit coup de ménage avant d’échanger nos blouses de travail contre nos tenues de soirée. Il est déjà l’heure de recevoir les invités.

Et on regarde les visiteurs enfin habiter le lieu que nous avons prévu pour eux. On les voit s’amuser, apprendre, partager. Le sentiment du travail bien fait nous envahit : ça à l’air de leur plaire. Doit-on alors parler des mauvais souvenirs ? Des retards de livraison, des approximations de calculs, des imprévus inévitables ?

Je ne crois pas que l’on aurait assez de temps pour ça. Et ce ne serait pas la meilleure façon de faire acte de résilience. Croyez-en un designer, c’est mon quotidien. Le résultat mérite largement tous ces efforts, surtout lorsqu’ils sont fait dans la bonne humeur et avec des gens motivés. Le célèbre concepteur du MuCEM à Marseille, Rudy Ricciotti, a écrit que “l’architecture est un sport de combat”. Si c’est le cas, la scénographie boxe en poids lourd.

Alexandre est volontaire en Service Civique au sein de Science Animation