J’étais tranquille, j’étais peinard, accoudé à mon ordinateur en train de réfléchir à la dichotomie entre le bien et le mal. Lorsque deux médiateurs sauvages décidèrent de déverser sur moi leur surplus de créativité et de motivation. Ils font ça de temps à autre, quand ils ont besoin des compétences chevelues de votre humble serviteur. À travers les torrents de mots, je perçois vaguement des instructions : ça parle de nichoirs, de plans et de découpe laser. Très bien, je sais utiliser cette machine, on m’envoie un lien… Fastoche. Je mets des planches de carton dans la découpeuse, j’appuie sur On et je donne le résultat à mes deux compères…


Le résultat est joli. Je l’ai même personnalisé pour rendre le nichoir un peu plus rock’n roll. C’est joli… Mais ça sert à rien. Un coup d’AC/DC dedans et il éclate. La véritable aventure commence… Mes deux compères si sympathiques auparavant deviennent pour moi l’état-major, et je suis sur la ligne de front de la construction du nichoir : il doit être fonctionnel, il doit être solide, il doit servir à accueillir des oiseaux… et pour l’instant, la fragilité de celui-ci n’accueille que chaos et désespoir…

Qu’à cela ne tienne ! On me demande de réfléchir, de trouver des problèmes et comment les résoudre. Moi qui aime jouer au Jokari, voilà une tâche parfaite pour me faire esquisser un élan de motivation ! J’interroge alors les deux généraux : quels sont les ordres ? On me demande l’élaboration de plans, permettant de construire un nichoir sur une découpeuse laser au sein d’un atelier avec des enfants. Des enfants… J’ai déjà eu affaire à eux… Ça veut dire : pas de colle, pas de clous, et beaucoup de Dab. La tâche se complique… Mais j’aime bien galérer, me creuser la tête jusqu’à y trouver du pétrole.


 

Ni une ni deux, je me craque le dos et commence à faire mes petits plans. Comme je joue à mes jeux vidéo en mode difficile sans passer par le mode moyen, je me dis que ça serait plus rigolo de créer ces petits plans avec Illustrator, logiciel de dessin vectoriel 2D, plutôt qu’un véritable logiciel dédié à ce genre de projet. En réalité, je pensais le projet trop urgent pour me mettre à l’apprentissage d’un logiciel que je n’aurais jusque là jamais utilisé et j’ai donc choisi un outil moins optimisé, mais dont je connaissais les trucs et astuces. Je parviens à réaliser mon nichoir version 2.0. Il est solide, il est en bois, fourni avec un système d’encoches parfaitement étudié pour ne pas être utilisé comme arme de destruction massive par des enfants.

Mon œuvre est posée sur le bureau de l’état-major, les yeux brillants… et de bien tristes nouvelles : une liste complète des spécificités techniques et matérielles à respecter si l’on veut que des oiseaux l’utilisent !

 

J’en profite pour leur demander ce que c’est qu’un « oiseau » parce que je sens que je vais beaucoup entendre parler de ces créatures… La liste est longue et la conclusion me frappe en plein cœur avec la force d’un train lancé à pleine vitesse : « Mais c’est pas grave, on va utiliser celui que tu viens de faire pour la médiation. Il servira d’exemple pour montrer tout ce qu’il ne faut pas faire ! ». Voilà donc à quoi est réduit l’Adam de ma Génèse… Je me console en me disant que les enfants apprendront de mes erreurs et je prie pour qu’ils me pardonnent mon ignorance passée.

Très bien, je vais m’adapter à ces nouvelles spécificités techniques. Mes collègues se sont renseignés : un nichoir aux parois plus épaisses, pas de point d’accroche à l’entrée pour éviter que les prédateurs ne se posent à leur seuil et ne les dévorent (je vous épargne l’illustration pour celle-ci), des trous pour que l’eau s’écoule, une ouverture afin de nettoyer le nichoir… Ces connaissances en tête, je me lance dans l’élaboration de plans pour un palace tellement VIP que même Frédéric Beigbeder ira y finir ses soirées.

Il fallait cependant faire des compromis. Résoudre des problèmes techniques et matériels, c’est aussi parfois savoir différencier entre faisable et miracle. Le nichoir devait avoir une épaisseur allant de 0,8 cm à 2 cm. Or, au-delà de 5mm d’épaisseur, la découpeuse laser utilisée crachait les flammes de l’Enfer et du Mordor réunis (les tests ayant indiqués une soufflerie un peu défectueuse). Dans un atelier où on accueille des enfants, les flammes sont assez mal perçues…


Pour le moment l’aventure s’arrête là. Les plans sont stockés dans la plus haute tour du plus haut château du Quai des Savoirs… et j’attends qu’on me fournisse le matériel pour enfin parvenir à livrer mon dû. Le coût de la réalisation aura été de beaucoup de café (environ 666 Litres), d’échanges entre les besoins, le faisable, le rêvé et le raté. Mais tout cela fut finalement converti en satisfaction et en connaissances (j’ai même appris des choses sur la mésange charbonnière). J’espère que les enfants auront autant de plaisir à écouter Nicolas Berton, médiateur sur cet atelier, parler de cette création que les oiseaux en auront à savourer le repos sous le toit qu’on leur offrira.

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