Pour la Fête de la Science 2018, Sarah, Anaïs et Enzo ont animé le jeux de rôle « Jouer à débattre » avec deux classes de lycées pour aborder des thèmes science-société tels que le transhumanisme et la biologie de synthèse. En tant que partenaires, Midi Libre et La Dépêche du Midi ont accueilli les deux animations dans leurs locaux respectifs à Montpellier et Toulouse. Retour sur la préparation et la réalisation de ces animations.

Rappelez-vous, l’an passé nous avions déjà expérimenté l’animation « Jouer à débattre » sur le thème de l’humain augmenté. Une animation à destination des lycéens, orchestrée sous forme de jeu de rôle et développé par l’association l’Arbre des Connaissances. « Jouer à débattre » est donc un projet de création de jeux-supports pour favoriser le débat en classe sur des thématiques d’actualité incluant des enjeux sociétaux futurs. Actuellement, trois ateliers ont été créés, traitant chacun d’une thématique différente : l’humain augmenté, la biologie de synthèse, et l’intelligence artificielle fraîchement promue le mois dernier.

Top départ pour tester les ateliers

À l’occasion de la Fête de la science, nos équipes ont souhaité tester les ateliers sur la biologie de synthèse à Toulouse et sur l’humain augmenté à Montpellier. Cependant, chaque séance-débat s’articule sur deux heures de temps, et dans son guide d’animateur, l’Arbre des Connaissances préconise une séance de préparation tenue en amont du jeu de rôle. Pourquoi ? Essentiellement pour familiariser les élèves avec des concepts en général très nouveaux pour eux et pouvant susciter des réactions dubitatives ou au contraire des inquiétudes qui n’ont pas forcément le temps d’être abordées si l’on se cantonne au jeu de rôle.

L’objectif du débat se base, entre autres, sur la construction d’argumentaires, lesquels s’avèrent plus ou moins riches selon le niveau de connaissance et de maîtrise du sujet des participants. Nous avons donc testé des séances préliminaires au jeu-débat. D’abord pour familiariser la classe avec certains concepts scientifiques, mais aussi pour leur faire découvrir des innovations souvent insoupçonnées et enfin, pour les confronter à leurs préjugés. Ainsi, l’atelier de préparation était ponctué de plusieurs animations interactives pour aborder divers concepts.

Du côté de Toulouse

Un débat mouvant 

Les élèves découvrent des innovations liées à la biologie de synthèse et doivent déterminer selon eux si l’innovation est actuellement possible d’un point de vue scientifique. Ils réitèrent ensuite en déterminant selon eux si l’innovation est souhaitable ou pas d’un point de vue sociétal. Des fiches supports avec des informations sur le sujet permettent de guider l’animation et les informations pouvant faire l’objet de controverses.

Un brainstorming 

« Que vous évoque la transformation du vivant ? »

Ça ?

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Ou ça ?

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Ou encore ça ?

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Après avoir échangé rapidement sur cette question, les élèves doivent déterminer les éléments considérés comme « naturels » de ceux qualifiés d’« artificiels ».  L’occasion de se mettre d’accord ensemble sur la définition de ce que l’on considère « naturel » ou pas.

Quelques concepts scientifiques de base

Qu’est-ce que l’ADN, qu’est-ce qu’un gène ? Une mutation génétique ? Quand parle-t-on d’OGM ? Quel est le rapport avec les biotechnologies ? Que veut dire biologie de synthèse ? Un rappel nécessaire pour faire le lien avec les notions abordées en cours de Science de la vie et de la Terre semble assez logique a intégré. L’apprentissage passe aussi par la répétition.

Des devinettes entre mutations et super pouvoirs

Les élèves doivent deviner le point commun entre un mutant fictif (super héros) et un sujet de laboratoire ayant fait l’objet d’une manipulation génétique volontaire. Il peut s’agir par exemple de deviner le rapport entre Spiderman et une chèvre à qui on a intégré un gène d’araignée. Ou bien entre Wolwerine et une souris a qui on a régénéré la peau.

Un Time Line 

En groupe, les élèves doivent reconstituer la chronologie de la manipulation du vivant par l’Homme depuis la préhistoire jusqu’au laboratoire. Cette séance a été très utile mais mériterait d’être approfondie et testée auprès de différents niveaux.

Les séances jeu de rôle

À l’instar de l’an passé, La Dépêche du Midi a accueilli une classe de 1ère S dans les locaux, un lieu propice à l’échange. Deux experts ont pu assister au jeu de rôle et participer au débriefing final. En résumé, les élèves incarnent les habitants de 5 communes qui doivent débattre de l’intérêt ou non d’intégrer des innovations de biologie de synthèse dans leur quotidien. Ces innovations, qu’elles soient adoptées ou non, auront des répercussions à plus ou moins long terme sur l’ensemble de l’agglomération.

Du côté de Montpellier

Fort de l’expérience menée à Toulouse l’an dernier pour la Fête de la science, nous avons décidé de réitérer l’animation sur l’humain augmenté dans les locaux de Midi Libre à Montpellier cette fois-ci. Et comme à Toulouse, nous avons également pris le temps de mettre en place une séance de préparation avec la classe.

 

Un débat mouvant et un brainstorming

Nous commençons cette séance de préparation par un débat mouvant permettant de poser les bases de la thématique. Puis, un moment de brainstorming s’en suit autour de la question « Que vous évoque l’humain augmenté ? ». Ces deux premières parties sont appréciées des élèves. Elles leur permettent une première approche du sujet sous forme de discussion durant laquelle tout le monde à l’occasion de donner son avis, ses idées et/ou ses connaissances.

Un quiz pour affiner le sujet

Par la suite, afin d’illustrer le sujet de manière concrète, nous avons opté pour un quiz avec les élèves.

Les questions permettent aux élèves de clarifier le sujet et de bien faire la différence entre augmentation et réparation humaine. Après réflexion, nous pensons que cette partie peut être améliorée en y ajoutant de courts extraits vidéos montrant concrètement des exemples de réparation et d’augmentation.

Par exemple, dans cette vidéo, on retrouve le témoignage d’un homme bénéficiant d’une main artificielle, qui témoigne des changements dans son quotidien :


Un temps pour imaginer une augmentation

Enfin, nous leur proposons un atelier de réflexion par groupe durant lequel ils peuvent créer leur propre augmentation. À l’aide du canva ci-dessous, ils ont 15 minutes pour créer une augmentation qu’ils aimeraient posséder. Le canva est découpé en différentes catégories : une description de l’augmentation, un schéma explicatif, les points positifs, les inconvénients et les moyens de les éviter.

Entre un traducteur de langue automatique, une main épluche-légume ou encore un implant augmentant l’ouïe, les élèves ont débordé d’imagination. Mais un épluche-légume intégré ne peut-il pas être considéré comme une arme ? Une ouïe trop fine ne peut-elle pas nous permettre de nous immiscer dans des conversations qui ne nous regardent pas ?

Au-delà de l’appropriation du sujet, cet exercice a permis aux élèves de se poser les premières questions éthiques liées à l’augmentation humaine préparant ainsi le débat de la séance suivante.

10 conseils pour orchestrer un débat avec des jeunes

1. Mettre en place une séance de préparation

Une séance préalable est indispensable aux élèves pour comprendre le sujet et mieux l’approfondir pendant le débat. Elle peut être faite par l’animateur mais aussi par l’enseignant. Il est préférable qu’elle soit interactive et appuyée par des exemples concrets. La séance est une bonne occasion pour découvrir les avis et positions des élèves et leur permettre une première approche de l’exercice de débat.

2. Susciter les connaissances et le « bon sens » des participants

Dans le jeu de rôle, lorsqu’ils font face à un désaccord, incitez les élèves à trouver un compromis qui satisfait tout le monde.

3. Préparer le débriefing

Il ne se base pas uniquement sur un retour personnel des élèves une fois sortis de leur rôle. Il peut impliquer l’intervention d’un expert, auquel cas il faut les préparer à la rencontre en les incitant à préparer des questions.

4. Instaurer un échange dans un climat de confiance

Les élèves sont souvent moins à l’aise avec un animateur inconnu, un facteur risquant de restreindre l’échange. Le fait de les faire débattre entre eux peut délier les paroles plus facilement. Et en même temps, le fait que chaque interlocuteur soit écouté de tous incite à soigner son exposé oral.

5. Créer une ambiance équilibrée entre confiance et hors cadre

Proposer un débat en dehors de la classe, voire avec un petit public incite davantage à se prendre au jeu et s’appliquer lors de l’argumentaire. Néanmoins, il faut veiller à ne pas trop impressionner les élèves.

6. Ne pas couper l’animation

Il est important d’enchaîner le jeu et le débriefing sans pause pour ne pas perdre la dynamique. Une séance ne doit pas durer plus de 2h30 maximum.

7. Limiter le temps de débat

Un temps restreint est un ressort ludique qui crée la frustration et conserve le plaisir.

8. Ne pas tout miser sur la spontanéité

Expliciter des notions de base, documenter les élèves et les informer de l’arrivée de la séance débat sont autant de points nécessaires à la préparation des joueurs. L’animation n’est en général pas habituelle pour les élèves qui ont parfois besoin de temps pour incarner une « nouvelle posture » dans leur rôle d’élève. Une posture bien plus participative qui ne survient pas si spontanément que cela.

9. Accompagner les élèves dans leur réflexion

En fonction du niveau de la classe, il est nécessaire de prévoir un accompagnement adapté. L’animateur doit être présent pour les aider à développer leurs idées. Il est également possible de créer des documents d’accompagnement. Pour l’humain augmenté par exemple, nous avons fourni aux élèves des « fiches arguments » et des « fiches témoins » leur permettant de structurer leur discours et de créer des témoignages réalistes jouant en leur faveur. D’autre part, des consignes claires et visibles pour les participants permettent de ne pas s’éparpiller pendant la préparation du débat.

10. Gérer la prise de parole

Comme dans tout groupe, certaines personnes ont plus de facilité à s’exprimer en public que d’autres. L’animateur doit donc essayer de répartir la parole de manière équitable afin que tout le monde puisse donner son opinion.